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Mon colocataire devient vegan, quel vin boire ?

Résumons-nous !

Je suis un viandard. Rouge, blanche, grasse, maigre, je plonge avec allégresse mes crocs dans la chaire, dans le carné. La protéine animale est mon amie et je le lui rends bien. Avec Denis, mon colocataire rhinocéros, les repas ont jusque-là toujours donné dans le copieux, le gras et le savoureux. Quand on aime, on ne compte pas. Pour nous, il n’y a pas que dans le cochon que tout est bon. Volaille, bœuf, veau, porc, abats, défilent sur table et nous honorent de leur présence. La ripaille se veut festive et moment de partage. C’est une sorte d’ouverture sur la vie. Mes origines lyonnaises expliquent peut-être la chose. Bref, entre mon coloc et moi, tout allait pour le mieux possible dans le monde carné…jusqu’à ce que Denis m’annonce qu’il devenait végan.

Réflexion faite, je trouvais l’animal bizarre ces derniers temps. Il rechignait à finir sa côte de bœuf de 6,5 kg ; surprenant. Cela aurait dû m’alerter. Un premier signe de détresse animale sans doute. Le pachyderme devenait sensible à celle de l’animal cuisiné et présent dans son assiette. C’est une question de point de vue.

De plus, quand Denis fixa au-dessus de son lit un poster de Gréta Thunberg j’aurais dû accepter l’évidence. Ces moments sont souvent témoins de déni. Denis, mon colocataire rhinocéros changeait sous mes yeux et je ne voyais rien. Je restais aveugle. Sa nouvelle idylle avec cette Suédoise m’est devenue progressivement insupportable. La jalousie ? Peut-être. Selon moi, le non-sens en tout cas. Un soir, lui reprenant une seconde galette de tofu et moi du cassoulet de canard pour la troisième fois, il me dit qu’il était désormais végan. Il me balança cette petite bombe au sortir d’une bouchée ; l’air de rien. Son coming-out alimentaire était visiblement devenu inévitable. Une évidence pour lui, une souffrance et une incompréhension pour moi. Le respect de la vie, de l’animal, de la planète c’est sympa mais cela va mieux avec une bonne tartine de foie gras et une bonne bouteille de jaja.

La justice L 214…

Visiblement j’ai vexé Denis quand je lui ai demandé si l’on pouvait fêter la grande nouvelle avec une bonne bouteille de vin. L’ironie masquait peu l’impérieuse nécessité de noyer mon chagrin dans l’alcool. Mon coloc allait-il finir adhérent de l’association L 214 ? J’attendais sa réponse sentencieuse. A cet instant, oui, la cruauté animale s’exerçait…mais contre l’homme et elle venait d’un rhinocéros aveuglé par le dogmatisme le plus froid. J’étais faible, désarmé, abattu. La cruauté du pachyderme se déchaînait. N’y tenant plus, j’étais prêt à tous les aveux pour m’épargner une souffrance supplémentaire. Je confessais donc chérir et respecter tous les animaux…sauf ce conard de moustique qui vient me chanter le sérénade la nuit ainsi que la morpion family qui profite de rapports pour jouer les voyeurs.

Bref, il me faut une bouteille. L 214, c’est une approche possible, certainement. Personnellement, mon âme devrait être plus facilement sauvée avec cette cuvée de Morgon « Py 3,14 » de Jean Foillard.

L’avocat du « Nature »




Domaine Jean Foillard ! Le nom claque. Le respect se met au garde-à-vous à sa simple évocation. C’est une sommité du beaujolais. Sa notoriété a largement dépassé les frontières pour atteindre tous les continents. Avec quelques autres, c’est un pionnier dans l’approche du vin dit « nature ». Il vinifia son premier millésime en 1981. Une date assurément. Bref, il fait autorité. Mais le respect de ses pairs, et la fidélité du consommateur, ça s’établit sur la qualité et sur la régularité. Et en la matière, Jean est un maître. Quand notre vigneron part au charbon, c’est nous qui sortons noirs du dialogue entamé avec ce gamay qu’il sait si bien dompter.

Le domaine, implanté sur le village de Villié-Morgon comporte 17 ha. Morgon, Fleurie sont des noms qui viennent habiller les étiquettes des vins du domaine. Et la griffe du créateur transcende toujours avec justesse les plus belles quilles du coin.

La notoriété de Foillard s’est établie sur sa cuvée « Py 3,14 » de l’appellation Morgon Côte de Py. Cette cuvée n’est produite que lorsque le millésime est considéré comme apte à pouvoir la proposer. La côte de Py est un célèbre et qualitatif lieu-dit du Cru du Beaujolais Morgon.

Son sol est composé de roches bleues, de schiste décomposé que l’on appelle « roche pourrie ». Ceci s’est déroulé à la suite d’un passé volcanique. Cela marque généralement les vins et leur apporte une certaine structure et densité. On y trouve beaucoup d’oxyde de fer, de manganèse ce qui va colorer le sol et lui procurer un effet rouge ocre.

Désormais c’est son fils Alex qui reprend progressivement le relais. Une transition douce. Mais ici, tout respire la tradition Beaujolaise. Pour le meilleur, et pour le meilleur quand on s’appelle Foillard. Mais laissons là ces considérations techniques et culturelles. Finalement, la vérité sort du goulot de la bouteille ; que celle-ci soit ou non une enfant, nature ou pas. La vigne témoigne sa présence dans le coin dès 956. A l’époque, pas certain que l’on parlait de la dialectique vin nature, vin de culture . Rousseau n’était pas encore passé par là.

Py 3,14

Quand Madame s’avance c’est toujours une grande source d’émotions. Un silence se fait au sortir d’un whouaaaaa unanime. On connaît l’histoire de la divine, sa réputation. Mais on connaît aussi notre attente. Grande, immense, incommensurable. Tous les regards se détournent sur ce corps de déesse et ce regard de princesse. On serait impressionné à moins. Canon, elle l’est assurément. Mais est-ce un bon coup pour autant ? Sur le papier, oui ; dans le verre ?

Très vite, c’est un défilé de nobles effluves qui se propose à nos sens dressés. Epices douces, touche réglissée, noyau de griotte, notes kirschées. L’opulence est domptée. Elle n’est jamais outrancière, vulgaire ou maladroitement démonstrative. La maîtrise et l’expérience du créateur dès les premières sensations.

Après cette première communion olfactive vient la confirmation. Là, ce n’est pas dans l’hostie que l’on croque mais dans un fruit d’une noblesse incroyable. On ne sait pas pourquoi, on ne sait pas comment, et d’ailleurs on s’en fout mais tout y est. Tout ce qu’il faut, là où il le faut, rien que ce qu’il faut. « Elle a tout d’une grande » comme dirait le Marketing du prépubère. Egoïstement, on ne pense qu’à savourer ce plaisir intense procuré par cette cuvée que tout fait rayonner. Les questions n’ont plus de sens. Les réponses sont là de toute façon, à l’œil, au nez, en bouche. Elles se font évidences. Le galbe de madame est à tomber. Purs, à juste maturité, tanins et élevage ne font qu’un. Ils sont à leur juste place et servent à merveille de mise en valeur de notre conquête du moment. Une jarretière de haute volée. Souplesse, fermeté, volume, structure et densité tout se conjugue, tout s’entremêle. La fraîcheur vient surligner un équilibre, une harmonie confondante. La bouteille se vide. On glisse sous la table ; non pour y voir le dessous des jupes des filles mais tout simplement car nos corps et nos âmes se laissent happer par ces racines viticoles. La suite se déroule dans une longueur infinie.

Face à cette qualité de vin, il n’y a plus de technique, de style, d’approche, de chapelle. Parler de vin « nature » ne signifie presque plus rien. L’adjectif est inutile et ne peut faire démonstration à lui seul. Cela serait une étiquette bien trop restrictive qui ne serait que carcan et obscurantisme pour intellectuels fatigués et déclinants.

Le vin est ! Tout simplement ; admirable d’émotions procurées. Déboucher cette bouteille, premier bienfait du véganisme de Denis.

Et c’est ainsi que Bacchus est grand !

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