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Mohamed ''Charlie'' Cohen est mon nouveau voisin, quel vin boire ?

Dernière mise à jour : 4 nov. 2020


"Hier, l’idée folle de faire plaisir à ma femme m’a traversée l’esprit. Je ne suis pourtant pas un homme de résolutions mais voilà, j'avais envie de gratifier ma chère et douce d'un bœuf Bourguignon en ce début d'année 2015.


Marc-Antoine, notre chat, montre rapidement une belle envie d’en découdre avec ledit plat en sauce. Félix notre fils, à l’instar du matou, réclame déjà sa gamelle en se frottant aux jambes de sa mère. À peine 8 ans mais on sent que ce gamin est un vrai con. Il devrait savoir que dans la famille tout repas débute au préalable par une prière agrémentée d'un apéro Vodka/Pastis.


Alors que je finis de doser le verre du petit, la sonnette de notre appartement retentit. Ma femme, d'une allure tragiquement banale, se lève pour aller ouvrir. « Mon petit caillou, c’est notre nouveau voisin, viens donc l’accueillir… » me dit-elle d'un ton monocorde. Misanthrope jusqu'au trognon, je souffle mon agacement. Je ne le connais pas mais ce bonhomme ne m'inspire rien de bien qui vaille. Trop tard, ma femme a déjà fait entrer l’individu. « Biiijourrr » éructe-t-il dans un large sourire ; « je m’appelle Mohamed Cohen, je suis votre nouveau voisin de pallier ». Je toise ce personnage de haut en bas et comprends alors que je suis pris au piège.


Assommé par la nouvelle, je reste coi, incapable du moindre mouvement. Mise mal à l'aise face au silence qui s'installe et croyant bien faire, ma femme invite l’homme à s’asseoir dans mon fauteuil. Je suis un homme à terre et voilà que l'on m'achève. Marc-Antoine, dressé pour défendre son maitre, est sur les dents, prêt à bondir sur le visiteur du jour. Les leçons de dressages offertes pour noël semblent avoir porté leurs fruits. L’instinct de survie animal a du bon. A contrario, mon fils Félix se blottit sur les genoux de l’individu en l’appelant papa. Ce gosse est plus navrant et irrécupérable que je ne le craignais. Pourquoi diable n'ai je donc pas mis de capote ce soir là...


Nous conversons tant bien que mal, parlant de choses et d’autres. Je m'efforce à lui montrer un semblant d'intérêt, blaguant notamment sur ses origines que j'imagine forts singulières. Des lointains ancêtres ayant séjournés quelque temps à Poitiers du temps de Charles Martel, des grands parents ayant séjourné à Drancy du temps de Charles de Gaulle ; le patronyme de ce Mohamed Cohen invite à l'interrogation historique ! Mais alors que je lui narre ma plus belle blague sur Himmler, ma femme prétexte une sauce à remuer pour me trainer en cuisine afin de me passer une gueulante. Elle me dit que je suis grossier et un gros con de raciste. La radio est allumée. RTL dispense les dernières nouvelles. Le slogan « Je suis Charlie » résonne déjà en boucle sur les ondes.


Nous revenons au salon. L’homme sourit. Il ouvre son sac pour en sortir un livre qu’il avait amené en geste d’amitié. Il nous tend le présent. Il s’agit d’une rétrospective sur Hara Kiri. J'ouvre et feuillette quelques pages du bouquin. Cela me fait l’effet d’une bombe. Le doute n'est pas permis, je suis Hara Kiri, je suis « bête et méchant ». Avec ce geste, l’homme a su tempérer ma sublime arrogance. Il m’apparaît alors tout autre, presque normal.


Bref, ma femme invite Mohamed Cohen, le nouveau voisin, à prendre l’apéro. Eh bien soit. Ouvrons donc une bouteille. Une bouteille oui, mais laquelle ?